Nous remercions vivement M Michel GERARD pour la rédaction de cet article
Introduction
Le hautbois classique est muni de 2 clefs : une clef de do grave (qui peut encore être à patte double, en « aile de papillon ») et une clef de mi bémol. Le jeu sur cet instrument inclut des doigtés de fourche et des doigtés à double trous (3e et 4e trous), permettant de légères variations de hauteur s’accordant à différents tempéraments aux couleurs caractéristiques.
Mais l’esthétique classique favorise l’enharmonie (confusion entre sol # et la bémol par exemple) et l’écriture dans de multiples tonalités.
Quelques instruments, comme la flûte ou la clarinette, sont rapidement munis de nouvelles clefs. Au début du XIXe siècle, la flûte de Tromlitz possède 8 clefs, la clarinette de Simiot 12, celle de Muller 13 et le cor de basset de Grenser 16.
Si les facteurs germaniques fabriquent des instruments possédant jusqu’à 9 clefs, les hautboïstes français sont plus réticents ; ils en ajoutent progressivement deux : celle de fa # et celle de do # grave ; puis celles de sol # (tout en conservant le double trou), de fa bécarre, de si bémol et ut médium, parfois une clef d’octave (servant aux liaisons des notes aigues) et une clef bouchant un des trous du pavillon, pour rendre plus juste les notes graves, utilisée ensuite pour jouer le si grave. D’autres ajouts sont longtemps contestés, comme la clef de demi-trou, la seconde clef d’octave, la double clef de mi bémol.
Cette mécanisation va changer l’apparence de l’instrument avec la disparition du balustre, la diminution des renflements à la jonction des corps
Le hautbois viennois de Koch décrit dans la méthode de Sellner parue en 1824, muni de 13 clefs permettant de jouer indifféremment dans toutes les tonalités tout en conservant un son homogène, constitue l’apogée des systèmes simples, (systèmes dans lesquels chaque clef n’a qu’une action, celle de boucher ou déboucher- un trou, et n’est alors que la prolongation d’un doigt).
| Fig 1A hautbois « Fils de Schott » | Fig 1B hautbois « Fils de Schott » |
La plupart des hautbois français « système simple » de cette période 1830-1850 (Fig 2-12), sont équipés de 8 à 12 clefs, à savoir :
- ut et ut # graves, mi bémol
- fa bécarre et fa #
- sol #, si bémol et ut médium
aux quelles peuvent s’ajouter :
- la clef de demi-trou
- une clef de mi bémol à gauche
- une clef d’octave
- une clef de do-si grave (pouvant donner le si grave mais servant surtout à assurer la justesse du do grave).
Cette dernière clé est souvent ajustée sur un des trous de résonance du pavillon.
| Fig 2 hautbois Triebert | Fig 3 hautbois Triebert 8 clefs | Fig 4 hautbois Triebert |
| Fig 5 Hautbois Triebert 10 clefs | Fig 6 Hautbois Triebert 11clefs |
| Fig 7 hautbois Thibouville | Fig 8 hautbois Triebert | Fig 9 hautbois 8 clefs (méthode Vény 2e éd. 1844) |
| Fig 10 Hautbois 8 (+3) clefs (tablature Ferroud) | Fig 11 catalogue Gautrot |
| Fig 12 hautbois 10 clefs (méthode Miller 1843) |
| Fig 13 hautbois 8 clefs (méthode Brod) |
Lunette
Les recherches de Boehm concernant la flûte vont conduire ce facteur à munir son instrument d’un mécanisme nouveau dès 1832. Il décrit ainsi ce mécanisme : « Si un trou est entouré d’une goujure circulaire ménagée de telle sorte qu’on puisse y enfoncer un anneau sans toucher les parois, et que cet anneau soit fixé à l’axe d’une clef ouverte, celle-ci est enfoncée concomitamment lorsqu'on bouche le trou. Un seul doigt peut ainsi exercer deux fonctions en un seul mouvement et permet donc de remplacer un autre doigt. »
D’autres facteurs lui emboîtent le pas, comme Louis Auguste Buffet « jeune » qui fait breveter une nouvelle flûte à anneaux mobiles en 1838, puis clarinette et hautbois à anneaux mobiles en 1843.
La première application des anneaux mobiles affecte la clef de fa # qui est remplacée par un double anneau. Cette « lunette » est actionnée par deux anneaux mobiles encerclant les 5ème et 6ème trous reliés au même axe que la clé de fa #.
| Fig 14 hautbois Triebert | Fig 15a hautbois d’amour J.H. Eichentopf | Fig 15b hautbois d’amour J.H. Eichentopf |
L’application systématique de ce mécanisme à anneaux, tringles creuses et axes mobiles, va se conjuguer dans un premier temps avec les anciennes clefs, puis progressivement les remplacer.
Ce sont surtout les recherches de l’atelier parisien Triebert, qui vont conduire à la facture du hautbois moderne.
Modèle Système 3
| Fig 16 Catalogue Gautrot |
Ce modèle apparu vers 1840 présente un nombre variable de clefs mais il se caractérise par la présence de la « lunette » de fa #. Il est le plus souvent équipé de 11 clefs dont une clef de demi-trou, une clef de do-si grave et une deuxième clef d’octave. Lorsqu’elles sont toutes deux présentes, les clefs de si-do graves et de mi bémol à gauche sont distinctes.
| Fig 17 hautbois Triebert | Fig 18 hautbois Triebert |
| Fig 19 hautbois Triebert |
| Fig 20A hautbois Gautrot-Marquet | Fig 20B hautbois Gautrot-Marquet | Fig 21 tablature du hautbois à 12 clefs (Corret 1854) |
Modèle Système 4
| Fig 22 hautbois Triebert « système 4 » |
Présenté par Frédéric Triebert comme un nouveau système, cet instrument est équipé de 15 clefs.
Il se distingue du modèle précédent par :
- la réunion des 2 clefs de si grave et de mi bémol sur un même axe avec une branche à double effet
- la clé de do # à anneau
- une clé de cadence do #- ré médium
- les clés de si bémol et ut médium groupées à droite
- une seconde « clé à octavier »
- les clés graves en position modernes, spatules perpendiculaires à l’axe de l’instrument.
Ce système est également appelé « système Charles Triebert », ce dernier en faisant la promotion lorsqu’il enseigne au Conservatoire de Paris, de 1863 à 1867 (alors même qu’il joue sur des instruments de systèmes plus récents).
| Fig 23 hautbois Nonon |
| Fig 24 tablature 1830 (méthode Garrimond) | Fig 25 tablature « système 4 » (Ferroud) |
| Fig 26 tablature du hautbois à 15 clefs (Bretonnière) |
Modèle Système 5
Le « système 5 », breveté par Frédéric Triebert en 1849 est dans la continuité du système 4, avec diverses modifications « afin de simplifier les doigtés ».
Parmi les innovations :
- une nouvelle combinaison pour le doigté de demi-trou
- une clef de cadence si-ut #
- les clefs de si b et ut médium sont actionnées par une spatule dédiée à l’index droit, mais sont également mises en correspondance avec le pouce gauche au moyen d’une « plaque de pouce ».
- l’axe à double effet mi bémol-si grave reçoit une troisième spatule produisant le si b grave.
| Fig 27 hautbois Triebert | Fig 28 hautbois Triebert |
Le système caractérisé par la plaque de pouce est toujours en usage, notamment en Grande Bretagne
| Fig 29 hautbois Triebert système 5 |
| Fig 30 | Fig 31 | Fig 32 | Fig 33 |
Le « système 5 » évolue en « modèle 5A » (« ayant en plus les cadences si-ut #, ut-ré main gauche et main droite et si bémol grave », « les trilles fa #-sol # et ut # –ré # aigus » et double clef de sol #) et le « modèle 5B » (« ayant le doigté si bémol-ut sans le plateau de pouce »).
| Fig 34 hautbois Courtois et Lorée système 5 | Fig 35 hautbois Courtois et Lorée système 5 |
| Fig 36 catalogue Lorée (systèmes 5, 5A, 5B) | Fig 37 catalogue Lorée (systèmes 4, 5A, 5) |
Système Barret
Ce système proposé (en collaboration avec Triebert) par le hautboïste A.M.R. Barret (élève de Vogt jouant à Londres), est une modification du système 5. Il se caractérise par la « plaque de pouce », l’extension au si bémol grave, des clés d’octave couplées automatiquement et un pavillon allongé.
| Fig 38 hautbois Triebert (Paris) | Fig 39 hautbois Triebert système boehm et système 5 Barret |
| Fig 40 Tablature du hautbois Barret (méthode Barret 2e éd.) |
Le système Barret va intégrer les diverses modifications.
Ainsi Lorée propose dans un de ses catalogues :
« Système Barret, semblable au n° A 6, ayant en plus l’effet si bécarre à ut dièse graves, le si bécarre grave ferme l’ut bécarre grave ; la double clé de fa bécarre, au-dessus de la clé du mi bémol, main gauche, permettant de faire les liaisons fa-ré, fa-mi bémol par un seul doigt, descendant au si bémol grave. De même, le « mécanisme Gillet » (modèle 1906) peut y être adapté, « mais seulement lors de la fabrication » de l’instrument.
Modèle Système 6
Le « système 6 » proposé en 1872 (le brevet étant pris sous le nom de Raoul Triebert) présente :
- la clef d’octave Barret modifiée
- de nouveaux trous d’octave tubulaires
- un anneau destiné à l’index droit qui fait mouvoir les clefs de si bémol et ut médium, permettant la suppression du plateau de si bémol et ut du système 5.
- une clé de demi trou au centre de laquelle se trouve une capsule au fond de laquelle est pratiquée une petite fente longitudinale »
- « une extension à l’usage du sol # du système de clef de si bémol et ut » (pouvant fonctionner avec un plateau de pouce) avec une seconde spatule destinée à l’index droit et permettant le trille fa # - sol #.
- une clef de si bémol grave, destinée à l’auriculaire gauche, qui améliore la sonorité générale et surtout celles de fa #, mi bémol, si bémol et do médium.
Le système 6 est la base du hautbois actuellement joué, avec quelques améliorations comme
- le trille do-ré bémol grave rendu possible par Lorée en 1889
- Robert et Selmer (en 1901 puis en 1912) apportent aux trilles ré # - mi et la # - si plus de justesse
- En 1907, Alexandre Robert ajoute une clef de résonnance au « fa de fourche » qui sonne maintenant comme le « fa de clef »
- En 1906, Lucien Lorée substitue des plateaux à tous les anneaux.
- La fin du XXe siècle voit se généraliser l’usage de la double clé de fa (à gauche) et d’une troisième clé d’octave.
Ces améliorations se retrouvent sur les modèles *« 6A » également dénommé « système Conservatoire » depuis que Gillet l’a fait adopter par sa classe du Conservatoire de Paris en 1881 et *« 6B » aussi appelé « modèle Bleuzet ».
| Fig 41 hautbois Lorée « système 6 » à anneaux (1901) | Fig 42 hautbois Lorée « système 6 » à plateaux (1906) |
| Fig 43 hautbois Triebert (Couesnon) « Monopole » à anneaux | Fig 44 hautbois Triebert (Couesnon) «Monopole » à clef Gillet (1920) |
| Fig 45 hautbois Dujardin | Fig 46 hautbois Cabart à 3 clefs de cadence et clef Gillet (1930) | Fig 47 hautbois Cabart clef Gillet (1930) | Fig 48 hautbois Cabart 3 clefs de cadence |
| Fig 49 tablature de hautbois « système 6 » |
| Fig 50 extrait de catalogue Lorée | Fig 51 extrait de catalogue Lorée |
| Fig 52 extrait de catalogue Lorée | Fig 53 extrait de catalogue Lorée |
| Fig 54 méthode Bas (1905) tablature et hautbois « système 6 » | Fig 55 méthode Bas (1905) tablature et hautbois « système 6 » | Fig 56 méthode Bas (1905) tablature et hautbois « système 6 » |
| Fig 57 tablature Gillet (hautbois « système 6 B») |
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